La participation des proches – parents, enfants, fratrie, etc… - à l’entreprise : entre entraide familiale et travail dissimulé

L’entraide familiale d’assistance est une forme spécifique de bénévolat permettant de faire participer les membres d’une même famille ou les amis très proches aux activités d’une entreprise en faisant valoir les liens de parenté et d’amitié, sans que cette collaboration soit constitutive d’une infraction à la législation du travail.

Néanmoins, en cas de contrôle inopiné, il n’est pas rare que la direction du travail souhaite caractériser l’aide en infraction de travail dissimulé.

Il est donc indispensable de pouvoir connaitre le champ d’application de l’entraide familiale afin d’éviter des sanctions sociales, administratives, voire pénales.

Définition de l’entraide familiale :

L’entraide familiale se définit par « une aide ou une assistance apportée à une personne proche de manière occasionnelle et spontanée, en dehors de toute rémunération et de toute contrainte »

Lettre circulaire n° 2003-121 du 24 juillet 2003 de l’Agence centrale de organismes de sécurité sociale (ACCOSS)

Cette notion est également reprise par la jurisprudence, notamment dans une décision de la Cour d’appel de Paris du 5 juin 2000 (CA Paris, 12ème Chambre, Section A, 5 juin 2000, RG n° 99/03262).

Un certain nombre de conditions est donc requis pour que la qualification de l’entraide familiale d’assistance puisse s’appliquer.

Dans un premier temps, l’entraide doit être ponctuelle et exceptionnelle, et donc elle ne doit pas être indispensable au bon fonctionnement de l’entreprise.

En ce sens, la jurisprudence estime qu’une relation dépasse la simple entraide « dès lors que l’activité […] est régulière, importante et nécessaire à la marche de l’entreprise » (CA Rennes, 20 février 2013, RG n° 12/01698).

Dans un deuxième temps, la relation d’entraide suppose une absence de rémunération pour la personne intervenant dans l’entreprise.

En effet, une des conditions de la relation de travail réside dans la rémunération du salarié pour la réalisation d’un travail déterminé, quand la relation d’entraide est basée sur le bénévolat et le désintéressement dans l’assistance.

Cette rémunération, lorsqu’elle est existante, doit en outre être en adéquation avec le travail réalisé de sorte qu’une « rémunération sans rapport avec [la] qualification professionnelle et pendant un temps restreint » constitue la « manifestation d’une entraide familiale intermittente […] exclusives de l’existence exceptionnelle d’un lien de subordination entre membres d’une même famille ». (Cass. Soc. 21 janvier 1972, n° 70-13.060).

Dans un dernier temps, il ne doit pas exister de lien de subordination entre la personne apportant son aide et le chef ou le personnel de l’entreprise.

Pour reprendre les termes de la lettre circulaire de l’ACCOSS, il ne doit pas peser de « contrainte », autrement dit la personne concernée doit être totalement libre de fournir l’aide qu’elle souhaite apporter sans que puissent lui être imposés des missions ou des horaires déterminés.

Par ailleurs, aucun texte de loi ne prévoyant explicitement la notion de famille, celle-ci fait l’objet d’interprétation plus ou moins extensive de la part de la jurisprudence.

Ainsi, de manière assez régulière, l’intervention dans l’entreprise de personnes appartenant à un cercle amical très proche a pu être assimilée à une entraide familiale, dans cette hypothèse appelée entraide amicale.

Les cours d’appel de Bordeaux et d’Agen se sont par exemple prononcé en ce sens en étendant l’entraide familiale tantôt au « cercle amical proche », tantôt à « l’amie ».

CA Bordeaux, Chambre sociale, 28 mars 2013, RG n°12/00941

CA Agen, Chambre sociale, 18 mars 2014, n° 13/00505

Enfin, il est utile de préciser que l’entraide familiale – ou amicale – est toujours présumée et « il appartient à celui qui entend renverser cette présomption de démontrer l’existence d’une relation salariale caractérisée par une prestation de travail, un lien de subordination ou à tout le moins un travail dans un cadre organisé par l’employeur ». (CA Douai, Chambre sociale, 28 septembre 2018, RG n° 16/01506).

Quelles sanctions ?

Dans l’hypothèse d’une requalification de l’entraide en travail effectif, l’employeur, c’est-à-dire le chef d’entreprise – mais également le dirigeant, pour sa faute personnelle -, risque d’être condamné pour travail dissimulé, conséquence qui emporte un certain nombre de sanctions, notamment pénales, très lourdes.

L’infraction reprochée est celle prévue à l’article L. 8221-1 du Code du Travail qui interdit « le travail totalement ou partiellement dissimulé ».

La sanction est particulièrement importante puisque le contrevenant risque :

- Sur le volet pénal : jusqu’à trois ans d’emprisonnement et 45.000 € d’amende (art. L. 8224-1 du Code du travail) ;

- Sur le volet administratif : le remboursement de tout ou partie des aides publiques perçues au cours des douze mois précédant la constatation de l’infraction (art. D. 8272-5 du Code du travail) et la suppression des aides pour les douze mois à venir (art. D. 8272-3 du Code du travail), voire la fermeture administrative provisoire de l’établissement (art. L. 8272-2 du Code du Travail) ;

- Sur le volet social : l’employeur est susceptible de faire l’objet d’un redressement par l’URSSAF afin de régulariser les cotisations sociales non payées au titre de l’emploi du salarié dissimulé sur la base d’une taxation forfaitaire (art. L242-1-2 du Code de la Sécurité sociale)

Des sanctions encore plus importantes en cas de défaut d’autorisation de travailler

D’autres sanctions peuvent encore venir s’ajouter lorsque la personne considérée comme travailleur dissimulé ne dispose pas du titre nécessaire pour travailler en France. C’est également le cas des personnes étrangères en situation irrégulière.

En effet, l’article L. 8251-1 du Code du travail dispose que :

« Nul ne peut, directement ou indirectement, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France. »

En cas d’infraction à ce texte, l’article L. 8253-1 du Code du travail prévoit la condamnation de l’employeur à une contribution spéciale pouvant aller de 2.000 à 15.000 fois le montant du SMIC horaire selon la gravité des fautes constatées.

Ainsi, la constatation d’une telle infraction à la législation du travail nécessite une particulière réactivité pour préparer une défense dans laquelle le Cabinet serait susceptible de vous accompagner.

Dans un contentieux très récent, une société de transports et son dirigeant ont été poursuivis devant la chambre correctionnelle du Tribunal judiciaire de STRASBOURG pour les infractions de travail dissimulé et l’emploi d’un étranger non muni d’une autorisation de travail salarié.

Grâce à l’argumentation développée, le Cabinet a obtenu la relaxe de ces chefs d’infraction.

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