Les titres executoires en alsace-moselle: Une importante evolution jurisprudentielle

Par un arrêt rendu le 25 juin 2020, relatif aux titres exécutoires en Alsace-Moselle, la Cour de cassation a opéré un véritable revirement jurisprudentiel.

Pour mémoire, la Cour de cassation avait antérieurement considéré, au visa de l’article L. 111-5 du Code des procédures civiles d’exécution, que les actes notariés d’Alsace-Moselle ne peuvent servir de titre exécutoire que s’ils ont pour objet le paiement d’une somme déterminée et non pas seulement déterminable et si le débiteur consent à l’exécution forcée immédiate (Cass. 1re civ., 6 avr. 2016, n° 15-11077, Cass. 3e civ., 18 mai 2017, n° 16-14671, Cass. 2e civ., 19 oct. 2017, n° 16-19675, Cass 2e civ., 19 oct. 2017, n° 16-26413, Cass. 2e civ., 22 mars 2018, n° 17-10635).

La Cour de cassation interprétait alors de façon stricte l’article L. 111-5 du Code des procédure civiles d’exécution, qui disposait, avant sa modification datant de mars 2019, que « constituent des titres exécutoires les actes établis par un notaire de ces trois départements ou du ressort des cours d’appel de Colmar et de Metz lorsqu’ils sont dressés au sujet d’une prétention ayant pour objet le paiement d’une somme d’argent déterminée ou la prestation d’une quantité déterminée d’autres choses fongibles ou de valeurs mobilières et que le débiteur consent dans l’acte à l’exécution forcée immédiate ».

Puis, l’article L. 111-5 du Code des procédures civiles d’exécution a été modifié par la loi du 23 mars 2019, le législateur ayant souhaité rapprocher les règles de droit local de celles applicables en Vieille France. Depuis l’entrée en vigueur de la nouvelle version de l’article L. 111-5 précité, le 25 mars 2019, constituent des titres exécutoires en Alsace Moselle, « les actes établis par un notaire de ces trois départements lorsqu'ils sont dressés au sujet d'une prétention ayant pour objet le paiement d'une somme d'argent déterminée ou déterminable, ou la prestation d'une quantité déterminée ou déterminable d'autres choses fongibles ou de valeurs mobilières, et que le débiteur consent dans l'acte à l'exécution forcée immédiate ».

Une controverse doctrinale et jurisprudentielle est alors née au sujet des actes notariés de prêt signés avant l’entrée en vigueur de la nouvelle version de l’article L. 111-5 du Code des procédures civiles d’exécution. Fallait-il continuer à faire une application stricte de l’ancienne version de l’article L. 111-5 du Code des procédures civiles d’exécution (exigence d’une créance déterminée), ou pouvait-on adopter une conception plus extensive en la matière, et interpréter les actes notariés de prêt conclus avant le 25.03.19, à la lumière de l’évolution textuelle ?

Désormais, la Cour de cassation a tranché la question et a décidé, pour les actes soumis à l’ancienne version de l’article L. 111-5 du CPCE, de « rapprocher les règles applicables en droit local de celles du droit général et de considérer que constitue un titre exécutoire, au sens de l’article L. 111-5, 1, du code des procédures civiles d’exécution, alors applicable [contrat de prêt signé en l’espèce en février 2000], un acte notarié de prêt qui mentionne, au jour de sa signature, outre le consentement du débiteur à son exécution forcée immédiate, le montant du capital emprunté et ses modalités de remboursement permettant, au jour des poursuites, d’évaluer la créance dont le recouvrement est poursuivi ».

Ainsi, la Cour de cassation a actuellement adopté une conception très extensive de la notion de créance « déterminée » - car le texte applicable reste bien, et ce très logiquement, l’ancienne version de l’article L. 111-5 du CPCE applicable aux contrats conclus avant le 25.03.19 - , puisqu’une telle créance sera considérée comme « déterminée » même si l’on peut seulement l’ « évaluer » au jour des poursuites en fonction des modalités de remboursement indiquées dans l’acte.

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