Droit de la consommation L’inexécution d’un contrat de transport n’est ni plus ni moins soumise au droit commun des contrats !

Aux termes d'une intéressante décision du Tribunal de proximité de HAGUENAU du 14 juin 2024 n° RG 24/01764, le Cabinet SCHRECKENBERG PARNIERE et ASSOCIES a obtenu la condamnation de la société AIR FRANCE à la suite de l'annulation d'une partie du voyage qui avait été vendu à un client particulier. En effet, la compagnie AIR FRANCE avait vendu un forfait incluant un vol ainsi qu'un déplacement en train, ce qu'elle n'avait pas précisé de manière explicite à son client. En raison d'une grève de la SNCF, la dernière partie du transport n'avait pu être assurée laissant à la charge du consommateur des frais supplémentaires. Malgré une tentative de conciliation la société AIR FRANCE n’a pas indemnisé le consommateur. Elle a finalement été condamnée à lui payer une somme correspondant aux frais supplémentaires engagés pour se rendre à bon port outre des dommages et intérêts représentant près de trois fois cette somme… La décision permet d’illustrer le fait que le transporteur aérien est tenu, de par les contrats de transport qu'il propose à ses clients consommateurs, à leur indemnisation en cas de difficulté survenant sur un trajet, tant d'un point de vue du règlement européen (1) qu'au regard du droit commun (2).
1) LE REGLEMENT EUROPEN du 11 février 2004 : Le Règlement européen (CE) n°261/2004 du 11 février 2004 établit des règles communes en matière d'indemnisation et d'assistance des passagers en cas de refus d'embarquement et d'annulation ou de retard important d'un vol. Ce règlement vise à garantir un niveau élevé de protection des passagers consommateurs en général. Il est applicable : - aux passagers au départ d'un aéroport situé sur le territoire d'un État membre, - aux passagers au départ d'un aéroport situé dans un pays tiers et à destination d'un aéroport situé sur le territoire d'un État membre, si le transporteur aérien effectif qui réalise le vol est un transporteur communautaire. Bien que le règlement européen ne soit pas applicable au cas d’espèce étudié, car le tronçon du voyage ayant été perturbé devait être effectué en train , il n’en demeure pas moins qu’il garantit aux passagers dont le vol a été annulé la possibilité de se faire rembourser leur billet ou d'obtenir un réacheminement dans des conditions satisfaisantes. Ce droit à indemnisation siège à l’article 7 du règlement et énonce en son point 1 : « 1. Lorsqu'il est fait référence au présent article, les passagers reçoivent une indemnisation dont le montant est fixé à: a) 250 euros pour tous les vols de 1500 kilomètres ou moins; b) 400 euros pour tous les vols intracommunautaires de plus de 1500 kilomètres et pour tous les autres vols de 1500 à 3500 kilomètres; c) 600 euros pour tous les vols qui ne relèvent pas des points a) ou b). » Les passagers subissant un tel préjudice peuvent également bénéficier d’une prise en charge adéquate durant l'attente d'un vol ultérieur. Par ailleurs, la Cour de justice de l’Union européenne, a notamment pu préciser dans une affaire C-28/20 rendue le 23 mars 2021: « qu’un mouvement de grève ne relève pas de la notion de « circonstance extraordinaire ». Ainsi, et par exemple, un mouvement de grève ne fait pas obstacle à l’application de l’article 7 dudit règlement, ce qui signifie que les compagnies aériennes ne peuvent se cacher derrière un tel événement pour échapper à l’engagement de leur responsabilité. 2) LE DROIT COMMUN : a. Principe : le contrat est la loi des parties : Dans la décision précitée du Tribunal de proximité de Haguenau, le Juge rappelle de manière pédagogique et dans un premier temps les règles formant l’ossature du droit commun des contrats, à savoir : • la force obligatoire des contrats (article 1103 du code civil) : ce que les parties ont voulu dans la convention s'impose à elles, dans les conditions où elles l'ont voulu. Le contrat constitue ainsi la loi des parties. • la bonne foi dans l’exécution des contrats (article 1104 du même code). À cet égard, le Tribunal de proximité de HAGUENAU conclut que: « Il est établi que la société AIR France n’a ni procédé au remboursement du billet ni des frais exposés par Monsieur, et ce, malgré les échanges qu’elle a pu avoir avec lui. […] Le contrat a donc imparfaitement été exécuté. » b. Sanction de l’inexécution contractuelle : Par ailleurs, la décision susvisée cite expressément la lettre des articles du code civil correspondant à la réparation du préjudice résultant de l’inexécution du contrat : Article 1231-1 du code civil : « Le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure. » Dans sa décision, les Tribunal de proximité d’Haguenau s’appuie sur l’article 1231-2 du code civil qui énonce que les dommages et intérêts dus au créancier sont, en général, de la perte qu’il a faite et du gain dont il a été privé. Sur ce fondement, le Tribunal conclut : « Il ressort des justificatifs produits que l’inexécution contractuelle de la société AIR France a causé un préjudice à Monsieur xxx ce dernier étant arrivé à sa destination huit heures après l’horaire initialement prévu. En outre, la société défenderesse n’a pas remboursé le demandeur du prix et de ses frais en dépit des nombreuses démarches effectuées ce qui lui a également causé un préjudice. Par conséquent, la société AIR France sera condamnée à lui verser la somme de 350,00 euros à titre de dommages et intérêts pour l’ensemble des préjudices subis avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement. » Les dommages et intérêts en résultant restent modiques, mais conséquent au regard de la valeur en litige au principal. Toutefois, pour qu’un Juge accorde une indemnisation, il est primordial de rapporter la preuve des montants déboursés à cause de l’inexécution contractuelle, ainsi que la preuve du préjudice subi. En tous les cas, le justiciable ayant bénéficié d’une assurance de protection juridique n’a eu à sa charge aucun frais et honoraires. En conclusion, l'inexécution totale ou partielle d'un contrat de transport engage la responsabilité du transporteur, même en cas de grève. Que ce soit sur le fondement du règlement européen (en cas de vol) ou du droit commun des contrats, le transporteur est tenu, en cas de non-exécution du contrat, de rembourser les frais engagés par le consommateur et d’indemniser le préjudice subi. Notre Cabinet reste à votre disposition pour vous assister en cas de conflit suite à un contrat de transport non respecté - un vol annulé, un train retardé. Mathieu WEYGAND, avocat associé Léa CIZERON, élève-avocate